2024-09-03 14:43

Intégration des questions d'OSIEGCS dans les pratiques humanitaires

Rapport : Revue rapide

Par Mathieu Seppey, Michaël Arnaud, Gabriel Girard et Christina Zarowsky

Le monde humanitaire a déployé de nombreux efforts pour faire preuve de plus d’inclusion. Les femmes, les enfants et les personnes handicapées font partie des groupes de la population ayant bénéficié d’une plus grande représentation dans les pratiques humanitaires, que ce soit dans la conception des programmes, leur mise en oeuvre ou l’élaboration des politiques. Toutefois, ces efforts doivent être maintenus. En plus de ces personnes, les groupes aux OSIEGCS diverses apparaissent désormais comme une autre catégorie de personnes « vulnérables » à prendre en compte. Ces personnes restent largement méconnues et ne sont pas suffisamment représentées dans les activités humanitaires.

Cette revue rapide cherche à répondre à la question de comment intégrer les questions d’OSIEGCS dans les pratiques et mécanismes humanitaires. Elle vise ainsi à sensibiliser le public à la réalité des groupes aux OSIEGCS diverses touchés par une catastrophe naturelle ou une crise, à présenter des pratiques et outils pertinents, et à fournir des recommandations. La pertinence de cette étude réside dans l’éventail de perspectives que nous avons explorées, qu’elles touchent les concepts d’OSIEGCS, les niveaux socio-écologiques ou les dimensions du travail humanitaire. Ce document est destiné au personnel et aux partenaires humanitaires qui souhaitent réfléchir à la manière d’intégrer les questions d’OSIEGCS dans leurs pratiques et approfondir cette démarche.

Principales constatations

Cette étude présente les principales constatations qui se dégagent :

En lien avec les concepts d’OSIEGCS :

  • Les groupes aux OSIEGCS diverses sont souvent perçus dans les pratiques humanitaires comme un groupe homogène. La plupart des documents de travail associent l'orientation sexuelle avec les hommes homosexuels, l'identité et l'expression de genre avec les femmes transgenres. Ceci a pour conséquence de passer outre les besoins des femmes lesbiennes, des hommes et des femmes bisexuels, des transgenres, des personnes intersexuées et des personnes locales et non occidentales ayant une identité et une expression de genre non conformes.
  • La différence entre les concepts d’« orientation sexuelle », d’« identité et d'expression de genre » et de « caractéristiques sexuelles » est mal comprise. La perspective binaire des genres empêche de reconnaître les personnes qui ne s’identifient ni comme des « femmes » ni comme des « hommes » hétéro-cis-endosexuels.
  • Les discriminations fondées sur l’orientation et les caractéristiques sexuelles sont fortement liées aux discriminations fondées sur l’identité et l’expression de genre.
  • La discrimination repose généralement sur une perception des choses plutôt que sur la réalité.

En lien avec les niveaux socio-écologiques :

  • La discrimination est présente à tous les niveaux socio-écologiques, y compris au niveau individuel (homo/trans/biphobie intériorisée, p. ex.).
  • Le manque de contact entre les groupes aux OSIEGCS diverses et le personnel ou les organisations humanitaires favorise les stéréotypes et l’inefficacité des interventions.
  • Le fait que les groupes aux OSIEGCS diverses soient absents des politiques et de la documentation des organisations porte préjudice à ces personnes, car cela banalise des pratiques discriminatoires et contribue à les perpétuer.
  • Les organisations humanitaires doivent donc s'attaquer à leurs politiques et pratiques discriminatoires en adoptant une approche fondée sur les droits de la personne.

En lien avec le secteur de l'aide humanitaire :

  • Les activités humanitaires s’inscrivent toujours dans un cadre dans lequel sont perpétrées des discriminations fondées sur les OSIEGCS et qui peuvent être amplifiées en cas de crise et par le lancement d’activités humanitaires.
  • Tous les secteurs de l'aide humanitaire présentent des formes de discrimination fondées sur les OSIEGCS.
  • Toutefois, l’approche cloisonnée selon laquelle s’opère l’aide humanitaire empêche le partage des pratiques exemplaires.
  • Pour rendre les interventions plus efficaces, la majorité des outils que nous avons étudiés préconisent d’y faire participer les groupes aux OSIEGCS diverses.

Recommandations

En vue de collaborer avec des organisations défendant les questions d’OSIEGCS diverses :

  1. Concevoir et mettre en œuvre des programmes de formation sur les questions d’OSIEGCS diverses dans le contexte humanitaire ;
  2. Encourager les initiatives de mentorat menées par des personnes et des organisations locales représentant les questions d’OSIEGCS diverses, et favoriser l’établissement de relations à long terme avec celles-ci ;
  3. Revoir le matériel de sensibilisation, les guides opérationnels, les plans stratégiques et d'autres documents clés ;
  4. Faciliter la création de groupes d'entraide sur les questions d’OSIEGCS diverses ;
  5. Plaider en faveur de mécanismes de surveillance des droits de la personne à l’échelle locale, régionale et internationale.

Pour les organisations humanitaires :

  • Nommer des personnes-ressources aux OSIEGCS diverses ;
  • Former le personnel et les partenaires aux questions d’OSIEGCS diverses ;
  • Tenir le personnel et les partenaires imputables quant au respect des droits de la personne et des principes humanitaires ;
  • Intégrer la question de l'inclusion dans l’élaboration des plans et stratégies humanitaires ;
  • Créer des espaces favorisant une plus grande sécurité ;
  • Intégrer les questions d’OSIEGCS diverses dans l'ensemble des services et des secteurs ;
  • Identifier des personnes et des organisations locales représentant les questions d’OSIEGCS diverses et leur donner les moyens d'agir.

Pour les bailleurs de fonds :

  1. Veiller à ce que les bénéficiaires de subventions soient tenus d’adopter des politiques et procédures non discriminatoires ;
  2. Augmenter et surveiller le financement dédié aux interventions et aux partenariats axés sur les questions d’OSIEGCS diverses ;
  3. Investir dans la recherche et le S&E en matière d’OSIEGCS diverses.

Pour les gouvernements nationaux :

  1. Promouvoir et adopter des politiques antidiscriminatoires ;
  2. Promouvoir et faciliter l'inclusion des groupes aux OSIEGCS diverses au sein de la population ;
  3. Assurer la représentation des groupes aux OSIEGCS diverses dans les politiques et activités humanitaires.

Pour les organisations internationales (agences de l'ONU, établissements universitaires, et ONGI, p. ex.) :

  1. Créer des forums régionaux et internationaux pour diffuser les pratiques exemplaires ;
  2. Plaider en faveur de réformes pour lutter contre la discrimination dans le pays d'accueil ;
  3. Financer des interventions à plus long terme visant à obtenir des effets transformateurs.

Conclusion

L'ensemble des constatations et des recommandations ont fait ressortir un élément clair : il faut établir des relations avec les groupes aux OSIEGCS diverses. Ceci doit se faire avec prudence, sans préjugés et avec l’objectif de changer la donne en matière de discriminations fondées sur les OSIEGCS diverses. La solution repose donc sur l’établissement d’un partenariat avec ces groupes de personnes et les organisations qui les représentent. Ces dernières savent comment atteindre leur public, comment réagir face à des défis humanitaires, comment réduire la discrimination et comment s’engager dans l’action humanitaire. L'intégration des questions d’OSIEGCS dans les pratiques humanitaires doit donc passer par ces partenariats afin de « ne laisser personne de côté ».