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Homophobie

A Athènes, le verdict des meurtriers d’un jeune gay, icône du mouvement LGBT, provoque l’indignation

LGBT +dossier
Deux hommes ont été condamnés à dix ans de prison mais n’effectueront pas pleinement leur peine. Quatre policiers, impliqués dans la mort de Zak Kostopoulos en 2018, ont été acquittés.
par Fabien Perrier, Correspondant à Athènes
publié le 4 mai 2022 à 8h04

Le cortège autour de la place Omonia (en français, de la Concorde), dans le centre d’Athènes, s’est formé en tout début de soirée. Des dizaines de personnes se sont rassemblées pour dénoncer le verdict des meurtriers de Zak Kostopoulos, un jeune homosexuel, drag-queen, assassiné en septembre 2018 par le propriétaire d’une joaillerie ainsi qu’un complice.

La cour d’assises d’Athènes les a condamnés à dix ans de prison chacun pour avoir roué des coups et infligé de graves blessures ayant conduit à la mort à 33 ans de «Zak», également connu sous le nom d’artiste «Zakie Oh». La communauté LGBTQ grecque avait fait de la mort de Kostopoulos un cas d’école soutenant que sa mort était un «crime de haine».

La cour n’a pas reconnu des circonstances atténuantes aux deux condamnés et a infligé la peine maximale de dix ans, prévue par la loi grecque, pour le crime des «lésions corporelles ayant conduit à la mort», selon une source judiciaire.

«Décision incompréhensible»

Mais aucun des deux n’effectuera pleinement sa peine : l’un est assigné à domicile en raison de son âge et l’autre devrait bénéficier de réduction de peine. Sur le banc des accusés, il y avait aussi quatre policiers qui ont poursuivi Zak chancelant et l’ont également frappé. Ils ont été disculpés alors que Zak a été déclaré mort lors de son transfert à l’hôpital.

«Honte !», ont crié dans la salle d’audience bondée certaines personnes lors de l’annonce du verdict et des manifestants rassemblés devant le palais de justice à Athènes, soutenant que la mort de Zackie était «un assassinat».

«La décision de la justice est incompréhensible ! Elle innocente les policiers alors qu’ils ont frappé la victime. C’est pourquoi j’ai tenu à manifester», explique Markos Chalidaios, un mathématicien de 27 ans, interrogé dans la manifestation de mardi soir. Il ajoute : «En 2018, je poursuivais mes études hors de Grèce, mais je suivais, horrifié, les actualités sur la mort de Zak.»

«Message d’impunité»

L’horreur est, en effet, le sentiment qui prédominait lors du visionnage pendant le procès des vidéos prises lors du crime. Pour une raison toujours inconnue, Zak entre dans une joaillerie, en plein jour. Le propriétaire l’enferme dans la boutique avant de lui administrer, avec un complice, de multiples coups de pieds violents. Le jeune homme ostensiblement pris au piège tente de s’échapper.

Pourquoi un tel acharnement sur ce jeune militant des droits LGBT, engagé dans différentes associations et également journaliste ? La question reste sans réponse à l’issue de ce procès qui a débuté en octobre et qui s’est achevé ce mardi. Zak n’avait aucun bijou sur lui, donc commis aucun vol. Pour Eliza Goroya, de l’association Positiv Voice spécialisée dans la prévention du Sida, «ce verdict, bien qu’injuste, était attendu. Une fois de plus, le signal est donné que la police peut agir en toute impunité. Les violences policières risquent d’augmenter».

L’ONG Amnesty International s’inquiète également de ce que «l’acquittement des policiers impliqués dans la mort de Zak Kostopoulos soit un message d’impunité» quand les victimes et leurs familles «sont laissées sans justice». Vangelis Skoufas, en charge des questions LGBT pour le parti de la gauche grecque Syriza déplore «l’acquittement des quatre policiers qui fait remonter à la surface toutes les pathologies et les rigidités de l’Etat grec, prouvant malheureusement que le système politique et judiciaire du pays ne veut pas modifier cette répression systémique dont il use, et qui s’abat plus encore sur des groupes sociaux déjà discriminés».

«Ce meurtre brutal n’a pas été jugé pour ce qu’il était, ajoute Skoufas, c’est-à-dire un acte homophobe, parce que les policiers sont toujours innocents pour les tribunaux ; parce que toutes les vies n’ont pas la même valeur». C’est d‘ailleurs le message que portait Magda Fyssas, la mère de Pavlos Fyssas assassiné par des membres du parti néo-nazi Aube Dorée en 2013, venue soutenir la mère de Zak Kostopoulos. Elle a été insultée et bousculée par des policiers lors du procès.

Mise à jour à 8h45 avec rectification du nom de Vangelis Skoufas.

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