[Cet article a été mis à jour le 9 septembre à la suite du démenti de la victime présumée.]

“L’histoire ne tenait pas, écrit El País. Les images des caméras de surveillance de la zone, examinées par la police, ne montrairent rien qui corresponde aux faits dénoncés par la victime supposée, c’est-à-dire une agression dimanche 5 septembre dans la matinée, en plein centre de Madrid, par huit individus encapuchonnés qui lui auraient ensuite gravé le mot ‘maricón’ [pédé] sur la fesse au moyen d’un couteau”. En l’absence de témoin, la police a reconvoqué mercredi 8 septembre le jeune homme qui avait porté plainte, et il a changé de version. Il a expliqué avoir invoqué une agression pour dissimuler à son compagnon un rapport avec une autre personne.

Entre-temps, l’affaire avait provoqué une onde de choc en Espagne. Le collectif LGBTI qui avait organisé une manifestation ce même mercredi soir dans le centre de Madrid, a décidé de la maintenir, comme il l’explique sur Instagram : “Vous savez pourquoi ? Parce que ces derniers jours, il y a eu des agressions à Tolède, à Melilla, à Castellón et à Vitoria”. 

De fait, si l’agression rapportée s’est avérée fictive, elle n’enlève rien à l’“escalade de la violence envers la communauté LGBT”, dont s’inquiétait le site d’information de gauche InfoLibre. L’épisode le plus tragique de cette vague de violence a eu lieu au début de l’été, lorsqu’un jeune homosexuel, passé à tabac, a perdu la vie à La Corogne, dans le nord-ouest du pays.

“Il ne s’agit pas de cas isolés. Ce ne sont que les derniers épisodes d’un problème croissant”, a estimé Marta García Aller, éditorialiste pour le média de centre droit El Confidencial. D’après les dernières données du ministère de l’Intérieur, rendues publiques le lundi 6 septembre, les agressions homophobes ont augmenté de 23 % en Espagne depuis 2016.

Un rassemblement prévu à Madrid le 11 septembre

Pourquoi une telle haine ? El Confidencial fustige les failles de la justice espagnole, devant laquelle il est “difficile” de faire reconnaître la notion de crime à caractère haineux :

Pour oser porter plainte, il faut croire au fait que cette plainte ne sera pas vaine et ne pas avoir peur de représailles. Mais la plupart des victimes de crimes de haine […] craignent les deux.”

De son côté, le site d’information en ligne eldiario.es insiste sur “le paradoxe LGBT en Espagne”. Car ce pays du sud de l’Europe, souvent présenté comme “leader en matière d’avancées sociales”, reste le “théâtre de cruelles agressions homophobes”.

Selon l’avocate pénaliste Laia Serra, interrogée par eldiario.es en tant que spécialiste des questions liées au genre, aux droits humains et à la discrimination, l’Espagne est confrontée à une “bataille culturelle et politique”.

Celle-ci oppose “un mouvement LGBT plus revendicatif dans l’espace public et sur les réseaux sociaux à “une partie de la population, légitimée par le discours de l’extrême droite, prête à se battre pour ne pas perdre une bataille sociale, culturelle et symbolique que la diversité et l’égalité étaient en train de gagner”.