Agressions homophobes à Lille : comment les LGBT vivent avec la crainte d'être ciblés

Alors que de nouvelles agressions homophobes sont survenues à Lille, des personnes LGBT nous témoignent de la façon dont elles vivent au quotidien avec la menace.

À Lille comme ailleurs, pour se protéger d'éventuelles agressions, les personnes LGBT s'interdisent certains gestes ou attitudes.
À Lille comme ailleurs, pour se protéger d’éventuelles agressions, les personnes LGBT s’interdisent certains gestes ou attitudes. Témoignages après les attaques homophobes survenues au parc Matisse. (©Adobe Stock/Illustration)
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L’homophobie a encore frappé à Lille. Cinq jeunes ont été mis en examen pour tentatives d’homicides, après avoir poignardé trois hommes, dont deux qu’ils ont ciblés au parc Matisse, présumé lieu de rencontres homosexuelles. Des actes condamnés notamment par Martine Aubry.

Ces agressions, à Lille comme ailleurs, rappellent aux LGBTI qu’ils peuvent être attaqués pour leur orientation sexuelle, réelle ou supposée. Des Lilloises et Lillois ont accepté de nous relater comment ils vivent au quotidien avec cette menace sourde.

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Certains se sentent en sécurité à Lille…

« Je ne me sens pas spécialement en danger à Lille », estime Stéphane*, 42 ans. « Mais j’habite dans le Vieux Lille et je ne m’aventure pas spécialement dans d’autres quartiers. Peut-être qu’inconsciemment, j’évite certains secteurs et que je me suis ‘fondu dans la masse’ pour ne pas me faire remarquer. »

Paul, 32 ans, qui a vécu trois ans dans le quartier Vauban, dit avoir « très rarement ressenti de l’insécurité. Je m’y sentais au contraire serein dans les espaces publics, et beaucoup plus qu’ailleurs ». Il reconnaît tout de même qu’il évitait « uniquement la nuit, la rue des Postes ».

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Face aux récentes agressions, Paul craint que « les poncifs ne soient alimentés, et l’image de la ville dégradée ». Idem du côté de Stéphane : « Il ne faudrait pas croire que Lille est une ville plus homophobe qu’une autre. »

Ces agressions rappellent juste que l’homophobie est partout, y compris dans les grandes villes.

… d’autres ressentent le danger

D’autres personnes LGBTI se sentent pourtant parfois en danger à Lille. Anita* et sa compagne, âgées de 24 et 23 ans, habitent vers Cormontaigne. « Je ne sais pas si le danger est réel ou non, mais oui nous nous sentons parfois en danger, dans certains quartiers notamment », témoigne Anita. « Nous avons l’habitude de passer par la rue Gambetta et nous sentons plus en danger  à cause des regards parfois très soutenus, des sifflements. »

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Nicolas, 28 ans, a pris lui aussi l’habitude d’éviter « certains quartiers, en fonction de l’heure et de si je suis seul ou non. Parfois, mon attitude ‘trahit’ que je suis gay et, au mieux, je sens les regards, au pire les insultes ».

Une fois, un groupe m’a suivi. Je devais prendre le métro à Wazemmes, j’ai complètement changé de route pour aller me réfugier chez un pote.

Mélissa, 28 ans, relate que « avant d’être en couple je ne me sentais pas spécialement en danger. Lorsque j’ai rencontré ma compagne, nous nous comportions comme un couple ‘lambda’. Cependant après plusieurs épisodes lesbophobes dans le centre-ville je ne me sens plus très à l’aise, notamment concernant les marques d’affections. Mais je ne pense pas que cela soit spécifique à Lille ».

La première fois que je lui ai tenu la main Grand’Place nous avons eu le droit à une insulte « sales putes, on se croit tout permis ! ». Une autre fois, c’est un restaurateur qui nous a refusé une table après un léger bisou sur la bouche. Désormais cette retenue fait partie de notre quotidien.

Les LGBT se protègent

Alors pour éviter ces regards, ces insultes ou une hypothétique agression, certains prennent des précautions. Anita et sa compagne évitent les démonstrations d’affection dans la rue, « nous ne nous tenons jamais la main, on évite de s’appeler ‘bébé, chérie, etc.’ et dans les rues qui craignent le plus on marche vite ». De même pour Mélissa : « Nous ne nous tenons plus la main dans la rue et évitons les marques d’affection dans l’espace public. Cela est pesant, notamment, par exemple, lorsqu’il s’agit de se dire au revoir sur un quai de gare ou ailleurs. »

J’ai parfois des difficultés à parler ouvertement de mon couple à certains inconnus ou je le fais en restant vague quant au genre de la personne qui partage ma vie. 

Maxime*, 34 ans, qui sort souvent dans le centre avant de rentrer chez lui vers Moulins, ne quitte jamais son spray au poivre. « Je l’ai toujours à portée de main quand je rentre tard. Souvent, je préfère même prendre un Uber pour rentrer. Sinon, on s’organise aussi souvent avec des potes pour rentrer ensemble. Mes amis s’inquiètent pour moi alors je dois toujours leur écrire pour leur dire que rien ne m’est arrivé. »

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« On ne peut pas dire aux gens de vivre en sourdine »

Olivier Duhamel, de la délégation Nord – Pas-de-Calais de SOS homophobie, confirme ce sentiment d’insécurité des personnes LGBT. « Pas mal de gens vont avoir tendance à lisser certains aspects de leur vie, de leur comportement dans l’espace public, pour se protéger. Ça peut être par exemple une manière de s’habiller sur laquelle on fait attention. »

C’est un peu schizophrène, de vouloir assumer ce que l’on est et de devoir faire attention aux gestes du quotidien. Il ne s’agit pas de se cacher, on ne peut pas dire aux gens de vivre en sourdine.

Une véritable charge psychologique pas toujours facile à vivre. Le travail est encore long pour que les personnes LGBT puissent vivre l’espace public avec moins de crainte, ou du moins autant que les autres. « Chez SOS homophobie, on travaille toujours sur l’éducation et la prévention », insiste Olivier Duhamel. « Il faut qu’on forme une génération de personnes qui savent vivre ensemble. On peut ne pas être d’accord avec un mode de vie, mais on peut apprendre à vivre avec sans violence ni haine. »

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*Les prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.

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