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En Pologne, pas de visite dans une ville autoproclamée «libre de l’idéologie LGBT» pour Clément Beaune

LGBT +dossier
En visite pendant trois jours dans ce pays de l’UE, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes a reçu des pressions des autorités qui l’ont dissuadé d’aller à Krasnik, une commune qui revendique son homophobie. Il a jugé «préoccupante» la situation de la communauté dans le pays.
par Eva Moysan
publié le 9 mars 2021 à 19h10

Il le répète, il le martèle : Clément Beaune veut se rendre dans une de ces villes «sans LGBT» polonaises. Ce ne sera pas pour cette semaine, les autorités de Pologne lui ont demandé de ne pas s’y rendre, alors que le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes est arrivé en Pologne lundi, pour une visite de trois jours. Il indique qu’elles ont motivé leur décision en invoquant des risques sanitaires. En l’apprenant, le secrétaire d’Etat a réfléchi à annuler son déplacement ou à se rendre tout de même dans la ville de Krasnik, dans le sud-est de la Pologne, déclarée «libre de l’idéologie LGBT».

Clément Beaune a fini par maintenir son voyage officiel, en soulignant qu’il tenait à être dans ce pays le 8 mars, jour international des droits des femmes. «Un autre débat – tout aussi important à mes yeux – a émergé : celui du droit des femmes», a-t-il expliqué à l’Obs en évoquant le droit à l’IVG presque interdit par le Tribunal constitutionnel. Mais le secrétaire d’Etat insiste : «J’irai à un moment donné dans une zone anti-LGBT. Je reviendrai en Pologne.» Il tient à ce sujet, qu’il a soulevé rapidement après sa nomination au gouvernement, le 26 juillet 2020. «On doit avoir des mécanismes de sanction» contre le pays, avait-il martelé sur France Inter, trois jours plus tard. Dans la foulée, la Commission européenne a confirmé le rejet des demandes de financement, dans le cadre d’un programme de jumelage, de six villes polonaises qui s’étaient proclamées «sans LGBT».

Rejet au nom de la morale religieuse

A défaut d’avoir pu visiter ces zones, qui essaiment dans le Sud-Est polonais, Clément Beaune a rencontré des militants de la communauté LGBT. Leur situation est «préoccupante», a-t-il affirmé à l’issue de leurs discussions, lundi. Le secrétaire d’Etat a annoncé son homosexualité dans le magazine Têtu, en décembre 2020. C’est pour lui une «responsabilité supplémentaire», dans sa dénonciation de l’homophobie structurelle en Pologne et en Hongrie. Ces zones anti-LGBT, qui se matérialisent par des discours visant à occulter l’existence de ces personnes sous des discours de morale religieuse, ne sont pas les seules attaques contre la communauté. Depuis son arrivée au pouvoir, le parti Droit et justice (PiS) a érigé les LGBT en boucs émissaires, dans une Pologne encore largement influencée par l’Eglise catholique.

Pendant sa campagne de réélection, en juin 2020, le président Andrzej Duda a comparé «l’idéologie LGBT» à l’idéologie communiste. Deux jours plus tôt, Joachim Brudzinski, député européen du PiS, prétendait que la «Pologne serait plus belle sans les LGBT». Ces discours violents accompagnent et légitiment des actes dangereux, comme l’attaque d’une marche des fiertés en juillet 2019 à Bialystok. Ils s’ajoutent à une répression judiciaire qui frappe les militants LGBT + comme Margot, arrêtée puis placée en détention provisoire en août 2020 pour avoir dégradé une camionnette diffusant des messages anti-avortement à Varsovie. Au début du mois de mars, trois activistes ont été traduites en justice pour avoir peint l’auréole de la Vierge aux couleurs du drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté. Elles ont été acquittées en première instance.

En appuyant sur la haine anti-LGBT, le PiS entend parler à un électorat rural, attaché aux valeurs conservatrices de l’Eglise catholique. Mais son influence faiblit au sein de la jeunesse. Selon l’organisme de sondages étatique, CBOS, plus de la moitié des 25-34 ans se déclare non-croyante, tandis que la majorité des Polonais âgés de plus de 75 ans se dit attachée à leur foi. En parallèle, une part croissante de la population se sensibilise aux droits des minorités et des femmes, comme en témoigne l’ampleur des mobilisations de défense du droit à l’avortement depuis octobre 2020.

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