Fondé en 1983 pour retrouver, préserver et faire vivre la mémoire des lesbiennes, le collectif des Archives lesbiennes du Québec soufflera ses 40 bougies en juin prochain. À cette occasion, Jeanne a rencontré la militante Danièle Chagnon qui revient sur les missions du collectif et aussi sur l’importance pour les jeunes lesbiennes de connaître la richesse de notre histoire commune. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 104 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous nous présenter le collectif des Archives lesbiennes du Québec et les missions qu’il porte ? Le collectif a été fondé en 1983 par quatre lesbiennes qui ont voulu présenter et préserver la mémoire des lesbiennes de l’époque. Au fil des ans, le collectif a poursuivi son travail avec différentes personnes et il est actuellement composé de six membres et d’une quinzaine de militantes qui nous soutiennent dans nos travaux. Notre mission est d’acquérir tous les documents qui concernent la communauté lesbienne, la vie des lesbiennes québécoises, en mettant l’accent sur les documents francophones. Et surtout de diffuser ces documents, parce que les papiers qui dorment dans des tiroirs, c’est intéressant, mais ce n’est pas tellement utile [Rires] ! Alors ce qu’on essaie de faire, c’est de les montrer le plus possible, de les mettre en valeur et de les diffuser le plus largement possible. (…)

Au-delà de l’aspect conservation, le travail que vous effectuez permet à notre communauté de découvrir la richesse de l’histoire du mouvement lesbien souvent méconnue par les plus jeunes. En quoi diriez-vous que la connaissance de cette histoire passée permet de mieux comprendre celle d’aujourd’hui ? Cette histoire passée éclaire celle d’aujourd’hui. Beaucoup d’étudiantes viennent aux archives et y découvrent des choses qu’elles ne connaissaient pas du tout. Elles se rendent alors compte qu’elles appartiennent à une continuité historique, celle du mouvement lesbien. Il est né au Québec, dans les années 70 et les jeunes lesbiennes connaissent très peu son histoire. La connaître permet d’inscrire leur vécu, leur expérience dans cette continuité. Je pense que c’est important qu’elles puissent voir ce qui a été fait. Et puis c’est toujours très très enrichissant de voir comment ces plus jeunes lesbiennes reconnaissent cette histoire-là.

Et justement, quelles sont leurs impressions quand elles découvrent cette histoire lesbienne grâce à vos archives ? Elles la trouvent fascinante ! Ce qui les interpelle beaucoup, c’est le nombre de bars lesbiens qui existaient dans les années 80. J’ai personnellement vécu cette époque où on pouvait se rendre dans quatre ou cinq bars lesbiens dans la même semaine, on pouvait faire la grande tournée [Rires] ! Aujourd’hui, ces bars, ces lieux dédiés ont disparu et cela crée chez les jeunes lesbiennes une nostalgie de cette période. Mais, cette histoire inspire également les jeunes lesbiennes, notamment les universitaires qui viennent nous voir et qui sont animées à faire autre chose autrement, mais toujours dans une continuité historique qui est importante.

Comment qualifieriez-vous la communauté lesbienne québécoise actuellement ? Elle est assez diversifiée et je la qualifierais d’assez dynamique. Et il y a plusieurs organismes comme le Réseau des lesbiennes du Québec, qui existe depuis plus de 25 ans, et organise tous les ans, par exemple, la journée de visibilité lesbienne avec des ateliers. Cette journée permet à la communauté lesbienne de se rassembler au moins une fois par an pour discuter et débattre de toutes sortes d’enjeux. Et il y a également le centre de solidarité lesbienne qui fait beaucoup d’interventions et présente des films. Nous avons aussi toutes sortes d’activités ponctuelles, des revues, des activités littéraires qui se passent dans les librairies ? Ce qui manque peut-être un peu pour faire le lien avec tout ça, ce sont des espaces dédiés à la communauté lesbienne. Je pense que c’est le cas un peu partout. En particulier, nous n’avons presque plus de bars. Il y a des espaces pour danser, des soirées qui sont organisées de façon ponctuelle pour les lesbiennes, mais il n’y a plus vraiment d’espaces communautaires, comme c’était le cas dans les années 80-90. Ce qui fait que si les lesbiennes veulent se rencontrer, elles n’ont pas beaucoup de choix. Dans les années 80 par exemple, il y avait une école qui était gérée par un collectif de lesbiennes et on y trouvait beaucoup d’associations de lesbiennes. Il y avait un magazine, les archives étaient là à l’époque, des ateliers, un groupe de karaté, une chorale lesbienne. Cet endroit n’existe plus depuis un bon moment, et c’est peut-être ce genre de lieux qui manque un peu aujourd’hui. (…)

Parmi vos archives, qu’elles sont celles qui vous permettent de dresser un « portrait » de l’évolution du mouvement lesbien québécois. Comment la définiriez-vous et quelles en sont les étapes fondamentales ? Il y a deux livres de base qui parlent de ça justement, de la constitution du mouvement lesbien. Le premier, c’est le livre de Line Chamberland, Mémoires lesbiennes, qui dresse un panorama de la communauté lesbienne à partir des années 60-70. Et un autre livre qui est vraiment intéressant qui s’appelle Sortir de l’ombre d’Irène Demczuk et Franck W. Remiggi. Comme je le disais plus tôt, la communauté lesbienne au Québec s’est développée surtout à partir des années 70 après la décriminalisation de l’homosexualité au Canada et l’émergence du mouvement féministe et du mouvement de revendication des droits de la communauté homosexuelle. Ces deux mouvements ont beaucoup porté le mouvement des lesbiennes, ici comme ailleurs.

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archiveslesbiennesduquebec.ca

L’intégralité de la rencontre avec Danielle Chagnon est disponible dans le numéro 104 de Jeanne Magazine.

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