Quand l'affaire Palmade fait flamber l'homophobie

Publié le Jeudi 16 Février 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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L'accident dramatique causé par Pierre Palmade le 10 février dernier n'a pas seulement engendré la stupeur, mais également des réactions rances aux aigres senteurs d'homophobie. Un constat fustigé par la communauté LGBTQ.
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Bien des choses s'écrivent depuis le grave accident de la route causé par Pierre Palmade dans la nuit du 10 février à Villiers-en-Bière, dans le sud de la Seine-et-Marne. Une collision provoquée par le comédien, qui a grièvement blessé une femme enceinte de 7 mois, âgée de 27 ans, accompagnée de son beau-frère et du fils de celui-ci, âgé de 6 ans. L'accident a causé la perte du foetus de la jeune femme au lendemain de l'accident.

Pierre Palmade et deux hommes qui se trouvaient à bord de sa voiture lors de l'accident ont été placés en garde à vue ce 15 février.

Parmi les diverses réactions qui s'étalent sur les réseaux sociaux depuis ce drame revient bien trop souvent le spectre rance de l'homophobie. La cause ? L'artiste, qui fait l'objet d'une enquête pour homicide et blessures involontaires sous l'emprise de stupéfiants, se serait adonné avant l'accident à des séances de chemsex.

Contraction de "chemicals" (drogues) et "sex", cette pratique consiste à avoir des rapports sexuels après avoir consommé des stupéfiants. Elle est notamment associée à la communauté LGBTQ depuis plusieurs années. D'où la profusion sur les réseaux sociaux de commentaires nauséeux concernant l'homosexualité de l'humoriste.

Le traitement médiatique de "l'affaire" peut lui aussi laisser à désirer. Car c'est l'orientation sexuelle de l'artiste, et la particularité de ses pratiques sexuelles (à plusieurs, en compagnie d'escorts), qui semblent souvent revenir dans le viseur. Seulement, bien des voix voient là un jugement moralisateur directement porté sur une communauté entière.

"C'est ça l'homophobie en 2023"

Une réception qui en retour a engendré quantité de réactions critiques sur la Toile, dénonçant ce que sous-entendent ces jugements moralisateurs. "L'histoire Palmade révèle tellement d'homophobie larvée et de toxicophobie flamboyante", a commenté la militante féministe Daria Marx. Certains fustigent également "les pudibonds, bigots et moralisateurs de tous bords qui attaquent Palmade sur l'angle du sexe pour mieux déverser leur homophobie".

Pour beaucoup, l'affaire Palmade serait un prétexte pour exprimer leur haine homophobe.

A l'unisson, des personnes queer pointent du doigt les réactions des "straight [hétéros, ndlr]" : "Ils expriment tout leur dégoût pour nos pratiques tandis que certains gays veulent se distancier au max des usagers des drogues comme hier des 'folles', du sida, ou de la gay pride qui donneraient 'mauvaise image'. L'homophobie en 2023, c'est ça aussi. Et elle se porte bien", dénonce un travailleur du sexe.

Le "chemsex" notamment en dirait long sur l'état d'esprit d'une société. Infirmier en santé communautaire, Nicolas Camerlo perçoit cette pratique comme "le produit d'une société où l'homosexualité est mal acceptée et où l'homophobie règne", explique-t-il à Var Matin. En cela que sa pratique stigmatise les marginalités, engendrant des préjugés et des fantasmes nauséeux.

"Le traitement médiatique de cet accident est malsain, comme l'obsession bizarre flirtant avec l'homophobie sur les détails les plus sordides de sa vie (les escorts, etc) et l'angle cata sur la drogue", observe à ce sujet un internaute, déplorant que ce traitement médiatique "ne va clairement pas encourager les gens dans la même situation de dépendance à la drogue à aller se faire aider/soigner".

D'autant plus que la pratique du "chemsex" implique plus de considération publique. "La prise de conscience par les autorités du problème sanitaire posé par le développement du 'chemsex' – qui s'étend d'ailleurs aujourd'hui progressivement hors de la communauté gay – est insuffisante. Il est urgent de mettre en place comme nous avons su le faire pour l'alcool, des politiques efficaces de prévention et de réduction des risques", insiste notamment le magazine des cultures LGBTQ Têtu.

Ainsi dans un reportage détaillé du magazine Neon sur le sujet du chemsex, Stéphan Vhernes, membre du Spot, un lieu d'accueil communautaire parisien, considérait la popularité grandissante de cette pratique sexuelle chez les gays à une véritable "épidémie". Et déplorait ouvertement : "Les pouvoirs publics ne prennent pas encore la mesure de ce qui se passe. Les produits évoluent tout le temps. Nous sommes dans une vraie crise, exacerbée par la crise sanitaire, sociétale, une perte des repères, ou encore l'homophobie décomplexée".

Un enjeu qui dépasse le cadre du fait divers tragique.