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Culture - Courts-métrages

Le courage d’être soi : sept voix LGBTQ+, au Liban, sortent de l’ombre

Le jeune cinéaste Omar Gabriel a réalisé une série de courts-métrages intitulés « Lettre à moi-même », qu’il a mis en ligne* et qui racontent le quotidien difficile des Libanais et des Libanaises de la communauté LGBTQ+.

Le courage d’être soi : sept voix LGBTQ+, au Liban, sortent de l’ombre

Omar Gabriel devant et derrière la caméra. Photo DR

Dans l’intimité d’une chambre entre ombre et clarté, pudeur et courage, entre le révélé et le dissimulé, sept personnes de la communauté LGBTQ+ au Liban – sept jeunes dont deux accompagnés de leurs mères – se mettent à nu, à visage découvert, fouillent dans leur intime, hachent leur intérieur et s’adressent une lettre. Humaine et bouleversante car authentique. Sans désir de sensationnalisme ou de misérabilisme, avec un courage à défier tous les clichés et les préjugés et avec le seul besoin de partager avec les autres les affres du quotidien, le jeune réalisateur Omar Gabriel et le producteur Cyril Bassil leur ont permis d’avoir une voix et ont retranscrit ces petits fragments de vie, scintillants d’espoir.

Que signifie être bien ?

Lettre à moi-même est un concept inspiré d’un point de vue personnel et basé sur l’idée de « comment on peut être bien », comme l’explique Omar Gabriel. « Dans notre société, on est bien si on est conforme ou si on fait ce que les autres veulent de nous. On est donc toujours ce quelqu’un par rapport aux autres, à leur regard. D’autre part, on envoie en général une lettre pour dire ou confesser quelque chose d’intime, de privé, de romantique ou de tragique. La lettre est donc envoyée. Dans cette série de courts documentaires, je voulais rentrer dans l’intimité de la personne qui envoie la lettre à elle-même. » Et de poursuivre : « Après l’explosion et la crise économique au Liban, nous ne devons pas nier que nous allons tous mal. Avant d’initier ce projet, je me suis posé la question : quand est-ce qu’on va commencer à s’avouer qu’on ne va pas bien au lieu de dire toujours hamdellah (Grâce à Dieu) on est bien. Nous, la communauté LGBT, nous n’allons pas bien au Liban. Nous avons toujours peur d’être agressés, violentés. Cette lettre, en format court-métrage de 6 à 10 minutes, est donc adressée à nous-mêmes pour que nous sortions du silence et que nous disions à voix haute que nous n’allons pas bien et essayer de l’exprimer pour nous sentir mieux. La guérison psychologique et émotionnelle ne peut se faire si nous n’avons pas réussi à mettre des mots sur notre peine et tout ce qui nous alourdit, car la violence que nous avons subie est devenue en grande partie responsable de ce que nous sommes devenus. J’ai voulu ces films de courte durée comme des moments de pause et de réflexion. »

Pour mémoire

Ces membres de la communauté LGBTQ+ qui mènent une double vie au Liban

Passionné de photographie et de visuel, Omar Gabriel fait son master de cinéma à l’Iesav et un échange à Thessalonique, en Grèce. Il signe là sa première œuvre filmique qui lui tient à cœur. Ce projet est né dans son esprit en 2020, mais n’a pu prendre forme qu’en 2022. La rencontre s’est faite avec Cyril Bassil, le producteur, à travers une amie de ce dernier alors qu’il était sollicité comme consultant en 2018-2019 sur des scénarios ou des montages. « J’avais déjà produit quelques films aux États-Unis après mon master et occupé différents postes d’organisateur de festival au Liban, notamment auprès de Beirut DC (Ayyam Beyrouth), indique Cyril Bassil. J’ai été vite séduit par la sensibilité artistique assez rare et l’identité cinématographique de ce cinéaste âgé de 24 ans. Il avait aussi une manière remarquable de raconter des histoires. Avec le Covid-19 et les lendemains incertains, les films libanais, bien que de qualité, sont difficiles à vendre. Je me suis donc dit qu’on passerait à un format série pour aborder ce sujet et avoir accès au plus grand nombre de spectateurs possible : raconter ces histoires LGBT, nuancées, humaines et vulnérables et que ce soit accessible à tout le monde. »

Domina, un témoignage en ligne. Photo DR

Une lettre envoyée dans tous les foyers

Il y avait nécessité de créer un projet grand public et de mettre ces histoires en ligne, tout en ayant une bonne qualité artistique à travers Omar Gabriel et par conséquent un point de vue de l’intérieur de la communauté. « On a vu rarement ce sujet traité au cinéma. Étant encore tabou au Liban, il est mal traité puisqu’on parodie les gens de la communauté LGBT ou on les considère comme des malades », dit encore Cyril Bassil.

Soutenu par l’association Heinrich-Böll-Stiftung et des organisations non gouvernementales queer, le projet a vu le jour grâce à une équipe soudée et motivée. Avec la monteuse Sandra Fatté et son assistant, Chadi Dib, les ingénieurs de son Scarlett Saad et William Mahfoud ; Chrystel Élias à l’étalonnage, Myriam Geagea à la bande-annonce, Céline Habchi à la postproduction et Jennifer Roumanos au copywriting, une œuvre artistique cinglante de vérité est née.

Pour Omar Gabriel, la difficulté résidait dans la peur dans laquelle vit la communauté LGBT au Liban et la réticence de ses membres à parler : « Mon entourage me connaissait et me faisait confiance, mais en même temps, certains étaient un peu hésitants quant à la situation de la communauté. C’était donc une procédure un peu longue pour parvenir à leur demander comment ils ou elles désiraient être représentés et de manière à ce que cela ne les affecte pas. D’autres n’ont pas hésité à saisir l’occasion pour sortir de leur silence. » Pour Cyril Bassil, la difficulté était autre : « C’était un projet dur parce que nous travaillions dans des conditions quasi inhumaines. Il ne faut pas oublier que ces personnes, après le 4 août 2020, vivaient le manque d’électricité, d’essence… Elles étaient épuisées et nous venions leur demander de faire face à un autre problème. Mais au bout du compte, ceux et celles qui se sont laissés filmer sont devenus avec nous des partenaires et les créateurs de ce projet plein d’humanité et d’authenticité. »

Pour mémoire

L’homme qui photographie la communauté queer libanaise « pour ne pas oublier »

Les films qui sont mis chaque semaine en ligne racontent donc le parcours difficile et bouleversant de ces personnes qui cherchent à trouver leur place à l’échelle humaine sans être marginalisés à cause de leur genre. « Je veux montrer dans cette série documentaire que je suis, en tant qu’humain, plus large que mon genre, signale Omar Gabriel. Je vais au-delà de cette discussion des genres pour parler de ma complexité de personne humaine. Nous sommes tous et toutes des créations complexes et l’art est la seule plateforme qui permet une ouverture aux autres, le seul lieu où l’on peut mélanger toutes sortes de disciplines et faire une expression artistique sans limites. C’est pourquoi dans mes films, les médiums sont imbriqués l’un dans l’autre. Il n’y a pas de représentation plane et unidimensionnelle, à l’image du genre et de la sexualité qui sont complexes. C’est ce que j’essaie d’exprimer à travers les voix des autres qui ont accepté de se joindre à moi devant la caméra. »

Sortir de l’ombre pour aller vers la lumière, c’est ce qu’invite à faire ce documentaire. Pour le réalisateur, la société libanaise vit encore dans un camouflage identitaire à tous les niveaux et les parents des personnes de la communauté LGBT en sont les premières victimes. Ils voient comment elle est représentée dans les médias et craignent par conséquent d’afficher l’orientation sexuelle de leurs enfants. Sauf certains d’entre eux que l’on découvre dans la série font preuve d’un amour inconditionnel pour eux. « Je ne voulais pas répondre à la violence par la violence, dit Omar Gabriel, mais par l’amour. Cette lettre est écrite sans filtre et sans critères imposés. D’autre part, la présence des deux mères dans la série prouve que notre société est encore patriarcale. C’est la mère, porteuse de vie et premier lien d’amour avec son enfant, qui ouvrira la voie au changement car si ce lien est bâti avec support et respect, l’amour est donc validé et le père acceptera plus tard l’identité de son enfant, à condition que tout cela soit dénué de toute intervention des médias ou de la société. Si les parents agissent parfois mal, c’est parce qu’ils ne savent pas la réalité pure. Ils sont déterminés par l’extérieur. »

Les films se poursuivent en ligne et Cyril Bassil est satisfait des retours positifs de la série. « Nous sommes rentrés dans une arène très publique que nous appréhendions. Nous sommes déjà sollicités par des plateformes internationales et des festivals comme à Los Angeles, Paris et Berlin. » Cette lettre, porteuse d’espoir, rentrera ainsi dans tous les foyers.

* Les films sont à retrouver sur le compte Instagram d’Omar Gabriel

@omargabriel ou sur YouTube : Letter to myself – Series

Dans l’intimité d’une chambre entre ombre et clarté, pudeur et courage, entre le révélé et le dissimulé, sept personnes de la communauté LGBTQ+ au Liban – sept jeunes dont deux accompagnés de leurs mères – se mettent à nu, à visage découvert, fouillent dans leur intime, hachent leur intérieur et s’adressent une lettre. Humaine et bouleversante car authentique. Sans désir...

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PETIT CONSEIL POUR VOUS, ET POUR LE BIEN DES PLATEFORMES INTERNATIONALES ET DES FESTIVALS COMME A LOS ANGELES, PARIS ET BERLIN, RESTEZ LA-BAS ET BONNE CHANCE… NOUS, ON S’EN PASSE ET SANS COMPLEXE DE TRAGÉDIE.

aliosha

18 h 21, le 13 octobre 2022

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  • PETIT CONSEIL POUR VOUS, ET POUR LE BIEN DES PLATEFORMES INTERNATIONALES ET DES FESTIVALS COMME A LOS ANGELES, PARIS ET BERLIN, RESTEZ LA-BAS ET BONNE CHANCE… NOUS, ON S’EN PASSE ET SANS COMPLEXE DE TRAGÉDIE.

    aliosha

    18 h 21, le 13 octobre 2022

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